Le rapport d’activité 2022-2024 de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes), publié en avril 2025, met en lumière une augmentation préoccupante des signalements liés aux dérives sectaires en France. Parmi les domaines les plus touchés, le secteur du bien-être et de la santé arrive en tête, représentant 37 % des signalements enregistrés entre 2022 et 2024. C’est un inquiétant record dont nous nous serions bien passés et qui a inspiré cette première Tribune de Spa-A.

PAR ISABELLE CHARRIER & MARIE-PAULE LEBLANC-PéRU
LES NOUVEAUX VISAGES DES DÉRIVES SECTAIRES DANS LE BIEN-ÊTRE
19,4 %
Signalements et demandes d’informations concernant des professionnels de santé, psychothérapeutes et psycologues
80,6 %
Signalements et demandes d’informations concernant des non-professionnels de santé

Depuis la radiation de Didier Raoult de l’Ordre des Médecins et sa reconversion étonnante dans les cosmétiques anti-âge, on pourrait sourire en apprenant que près de 20 % des signalements reçus par la Miviludes concernent des professionnels de santé. Mais le vrai sujet est ailleurs. Ce sont désormais plus de 80 % des signalements qui visent des non-professionnels, souvent des autodidactes ou des figures d’influence, qui s’improvisent thérapeutes, guides spirituels ou experts en bien-être. Un chiffre qui alerte sur la banalisation de pratiques pseudo-thérapeutiques, largement diffusées hors de tout cadre médical ou scientifique.
Depuis la crise du Covid-19, une nouvelle vague de croyances séduit un public en quête de repères. Retour à la nature, fascination pour les traditions ancestrales, engouement pour l’ésotérisme et les « énergies subtiles » : le discours est séduisant, surtout quand il promet guérison et épanouissement. Derrière ce vernis de bienveillance se cachent parfois des dérives inquiétantes. Chamanisme, druidisme, astrologie, cartomancie, numérologie, soins vibratoires ou activation des chakras : autant de pratiques qui, dans certains cas, basculent dans une forme d’embrigadement psychologique.
La Miviludes tire la sonnette d’alarme sur ces approches, car derrière des discours séduisants se joue parfois bien plus qu’un simple « mieux-être » : une mise sous influence.
Sous couvert de bien-être, des dérives inquiétantes prolifèrent : la Miviludes dénonce l’emprise croissante de gourous 2.0 sur des publics vulnérables.

ALERTE SUR LES PSEUDO-THÉRAPEUTES
ET L’INFLUENCE TOXIQUE DES RÉSEAUX SOCIAUX
Entre 2015 et 2024, le nombre de signalements adressés à la Miviludes a plus que doublé, passant de 2 160 à 4 571. Cette hausse significative s’explique en partie par la diffusion massive de pratiques de bien-être non encadrées, souvent promues massivement sur les réseaux sociaux. Ces méthodes – telles que certaines formes de coaching, les thérapies dites « naturelles », les régimes alimentaires stricts ou encore des techniques de jeûne ou de méditation poussées à l’extrême – séduisent un public en quête de sens, de mieux-être ou de guérison rapide. Si ces approches sont souvent présentées comme douces et naturelles, elles peuvent, en réalité, avoir des conséquences graves. Certaines personnes, en rupture avec le système médical conventionnel, renoncent à des traitements efficaces au profit de promesses illusoires, ce qui peut entraîner des retards de diagnostic, voire aggraver des pathologies existantes, notamment dans les cas de cancers ou de maladies chroniques. En parallèle, les adeptes de ces méthodes sont parfois encouragés à se couper de leurs proches ou à investir des sommes importantes dans des stages, consultations ou produits aux bénéfices non prouvés.
La Miviludes tire également la sonnette d’alarme sur le rôle croissant des influenceurs et des pseudo-thérapeutes, souvent dépourvus de toute formation ou certification sérieuse. Grâce à une communication habile et émotionnelle, fondée sur des témoignages personnels ou des récits de « transformation », ces individus parviennent à instaurer une relation d’emprise avec leur audience, en exploitant la détresse psychologique, les fragilités existentielles ou les aspirations au bien-être. Cette manipulation peut aboutir à une véritable sujétion mentale, difficile à déceler et à dénoncer.
Face à cette situation préoccupante, les pouvoirs publics ont réagi en adoptant la loi du 10 mai 2024. Ce texte renforce les moyens juridiques de lutte contre les dérives sectaires en introduisant de nouveaux délits, tels que celui de sujétion psychologique ou physique, et en allongeant les délais de prescription pour permettre aux victimes de porter plainte même plusieurs années après les faits. Il s’agit ainsi de mieux protéger les individus face à des pratiques déviantes qui, sous couvert de bienveillance, peuvent conduire à de véritables abus.
70 % d’opinions favorables, 71 % conscients des risques :
les Français face aux paradoxes des thérapies alternatives

AdhÉsion croissante, inquiÉtudes persistantes :
ce que pensent les Français des thÉrapies alternatives
Selon une enquête menée par Odoxa en mai 2023, 70 % des Français ont une bonne image des thérapies alternatives, un chiffre proche des 84 % de bonne image pour la médecine conventionnelle. De plus, 57 % des sondés considèrent que ces thérapies sont au moins aussi efficaces que la médecine classique. L’ostéopathie (46 %), l’homéopathie (42 %) et l’utilisation des huiles essentielles (37 %) figurent parmi les pratiques les plus populaires.
L’engouement pour ces pratiques est en hausse : plus d’un Français sur deux (54 %) se déclare aujourd’hui plus disposé qu’il y a cinq ans à recourir aux thérapies alternatives. Cette tendance est notamment motivée par les difficultés d’accès aux soins conventionnels, comme les délais pour obtenir des rendez-vous médicaux ou la présence de déserts médicaux. Ces sondages récents mettent en lumière une perception globalement positive de ces pratiques, bien que des préoccupations subsistent quant à leur encadrement et leur efficacité scientifique. Parmi les principales réserves : les risques de dérives sectaires avec le chiffre révélateur de 71 % des Français qui reconnaissent que ces thérapies peuvent donner lieu à de telles dérives, et 69 % estiment qu’un praticien en thérapies alternatives peut exercer une emprise sur une personne. En conséquence, une large majorité (81 %) souhaite un encadrement plus strict de ces pratiques par l’État.
CONCLUSION
Le dernier rapport de la Miviludes met en évidence une transformation des phénomènes sectaires, désormais ancrés dans des pratiques de bien-être et de santé. Cette évolution nécessite une mobilisation renforcée des pouvoirs publics, des professionnels de santé, et de la société civile pour prévenir ces dérives, protéger les individus vulnérables, et assurer un encadrement rigoureux des pratiques de bien-être.
Spa-A, en tant qu’association dont la vocation est de favoriser l’essor d’une image valorisante du bien-être, se doit de distinguer les bonnes pratiques et de tirer le drapeau rouge lorsqu’il le faut, en partageant nos interrogations et en fournissant des informations sur tous les domaines de notre passionnant secteur à chaque professionnel du bien-être. Nous nous emploierons donc à le faire chaque trimestre dans cette Tribune exclusive offerte par Sense of WELLNESS Magazine.
Plus dinformation : www.spa-a.org